On était aux abords du village quand l’odeur a commencé à nous monter à la tête.
« On devrait peut-être pas rester là, » a dit mon ami.
Face à nous, les petites maisons très caractéristiques des pêcheurs des îles des Lofoten.
Et encore plus loin, derrière :
L’étendard à Morue.
Le fameux.
Avec des centaines de morues, attachées par les nageoires, qui séchaient là comme des drapeaux au vent.
Les têtes assemblées en grappes sur les parties basses comme de sordides totems.
Et l’odeur.
Elle aurait fait passer nos chaussettes sales soigneusement isolées dans un sac hermétique pour du Chanel Numéro 5.
« Bon, on va peut-être planter la tente plus loin finalement, » ai-je dit.
C’était il y a quelques années lors d’un roadtrip.
J’avais plié ma tente dans mon sac et on était partis avec un ami en quête des Lofotens.
J’ai un tas de souvenirs mémorables de ce voyage, mais une des choses qui m’a marquée était cette odeur de morue omniprésente.
Les Norvégiens en raffolent.
Ils pêchent le cabillaud en février (la morue est en fait le nom qu’on donne une fois que le cabillaud est sec), et le laissent sécher pendant plusieurs mois sur le séchoir en bois au contact de la brise marine douce et salée.
Si je vous parle de ça, ce n’est pas pour vous conseiller de vous rendre au magasin le plus proche et d’acheter de l’huile de foie de morue.
C’est parce qu’au-delà de l’odeur, il y a quelque chose d’absolument fascinant qui était en jeu sous nos yeux :
La fermentation
Je suis prête à parier que la première chose qui vous vient en tête quand je dis ce mot sont le yaourt, le vin, la bière, le fromage, et peut-être même la choucroute (pour nos amis les Alsaciens).
Mais, tous ces produits ne représentent qu’un pourcentage ridicule de tout ce qu’on peut faire en fermentation.
Pourtant, avec la révolution industrielle, on a un peu perdu de vue ces méthodes et tous les bienfaits qu’elles apportaient avec elles.
J’ai donc décidé de revenir sur plusieurs faits méconnus concernant la fermentation :
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Plus de nutriments
Un aspect moins connu mais fascinant de la fermentation est son impact sur la biodisponibilité des nutriments.
La fermentation des aliments permet de décomposer les antinutriments tels que l’acide phytique, qui se trouve dans les céréales et les légumineuses.
L’acide phytique peut se lier à des minéraux essentiels comme le fer, le zinc et le calcium, réduisant ainsi leur absorption par le corps. Lorsque les aliments sont fermentés, les micro-organismes dégradent l’acide phytique, augmentant ainsi la disponibilité de ces minéraux pour notre absorption.
Par exemple: Le tempeh, un produit fermenté à base de soja, a une biodisponibilité de fer et de zinc beaucoup plus élevée que le soja non fermenté.
De même, le pain au levain a une teneur en minéraux plus biodisponible par rapport au pain fait avec de la levure de boulanger, en partie grâce à la dégradation de l’acide phytique durant la fermentation.
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Le pain au levain : Un ferment oublié des boulangers.
En parlant de levain, tout le monde en a déjà entendu parler. Mais j’ai renoué avec lui très récemment seulement, au contact d’un boulanger dans un vieux village.
Il s’en est suivi une conversation passionnante.
En fait, le levain était très utilisé par les civilisations anciennes : Égyptiens, Romains, Grecs…
C’est d’ailleurs le levain qui aurait permis aux premiers agriculteurs de manger des céréales pourtant toxiques à l’époque en ayant recours à la panification. (À l’époque, les céréales sauvages produisaient beaucoup de phytate pour se protéger des prédateurs.)
Il a été progressivement écarté au profit de la levure de boulanger, plus rapide et facile d’utilisation.
Pourtant, le levain permet de pré-mâcher le gluten, le rendant ainsi bien plus digeste contrairement à la levure de boulanger.
Il permet aussi de conserver le pain bien plus longtemps en évitant à l’amidon de cristalliser au contact de l’eau. (C’est pour cette raison que quand vous grillez votre pain, ce dernier redevient un peu mou, car il n’a pas séché, il a durci.)
En bref, il n’y a que des avantages à consommer un bon vieux pain au levain. Pour ce qui est d’où en trouver, vous pouvez taper cela sur Internet, je sais que certains artisans en commercialisent en ligne.
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Les levures sans goût qu’on vous sert dans le vin, et le fromage.
Si vous aimez un peu le vin, vous avez sûrement déjà entendu parler de la levure 71B, celle qui donne ce fameux goût de banane et qui favorise l’expression des arômes du vin, notamment dans les vins du Beaujolais.
Le truc, c’est que les levures utilisées sont souvent d’origine industrielle. C’est-à-dire qu’on a isolé une ou deux levures pour leurs propriétés et qu’on les fait se multiplier. On abandonne donc la complexité des “mix” utilisés traditionnellement et on perd en saveur.
Il en va de même pour les yaourts ou tout autre produit fermenté industriellement. Ils perdent à la fois en saveur et en propriétés nutritives.
Si vous en avez la possibilité, préférez les produits fermentés chez les petits producteurs, qui font ça avec les levures présentes dans leur cave depuis des années.
Si je peux vous recommander un livre au sujet de la fermentation, je vous conseille celui de David Zilber ‘Le Guide de fermentation du Noma’.
Le Noma, c’est un restaurant à Copenhague, nommé quatre fois meilleur restaurant au monde.
Dans chacun de leurs plats, il y a un produit fermenté.
Ils vont loin dans l’exploration de cette discipline.
En attendant, je vous souhaite une belle journée et vous dis à demain.
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