Durée de lecture : 5 minutes.
Bonjour,
1. Le dernier discours d’un entrepreneur philosophe 
Cette édition du Mix a été inspirée par ce discours (en anglais, traduit du chinois) de Zhang Yiming, fondateur de ByteDance (qui possède TikTok).
C’est un gars qui a créé une des apps les plus addictives (et avec la plus grosse croissance) de tous les temps.
Et pourtant, son dernier discours en tant que PDG ressemble à ce qu’on entendrait chez un gourou spirituel.
Je vous montre quelques idées clés, puis je vous donne mon point de vue sur la question dans la partie suivante…
Sur l’importance de maintenir “un esprit ordinaire” :
“La définition d’un ‘esprit ordinaire’ dans l’encyclopédie est : “rester objectif et sans peur, dans toutes les circonstances et dans toutes les actions”.
“Pour utiliser les mots les plus simples possibles, un ‘esprit ordinaire’ signifie : ‘quand vous avez faim, mangez; quand vous êtes fatigué, dormez’.”
Faire face à l’anxiété :
“Certaines personnes me demandent : ‘Comment est-ce que tu gères l’anxiété ? Ton entreprise a fait +100% cette année, mais va-t-elle faire +100% l’année prochaine ?’
Je réponds généralement : ‘Pourquoi notre entreprise devrait-elle faire +100% l’année prochaine ?’
Bien sûr, on espère qu’on va grossir rapidement, mais il ne faut pas se laisser prendre par ‘l’anxiété de la croissance’. Actuellement, l’entreprise est en forte croissance, mais nous ne pouvons pas nous reposer sur les accomplissements passés, ni nous attarder sur les erreurs passées. (…)
Gardez les yeux ouverts pour voir votre environnement clairement, comprenez vos utilisateurs, prenez de bonnes décisions sans distractions, et les résultats seront ce qu’ils sont.”
Sur la prise de décisions :
“Au départ, quand nous étions loin derrière nos rivaux, nous trouvions plein de manières de nous améliorer, mais il n’y avait aucun détritus mental — juste une imagination audacieuse et des actions audacieuses. Maintenant, nous sommes devant nos concurrents, mais nous ne pouvons plus faire les choses avec un ‘esprit ordinaire’. Nous avons trop peur de l’échec, et nos actions sont distordues.”
Sur la capacité à voir la réalité :
“Voir le succès ou l’échec avec un ‘esprit ordinaire’ veut aussi dire attribuer correctement les causes. Ne pas confondre les causes externes avec des causes internes, et ne pas traiter la chance comme une compétence. Il faut trouver les vraies raisons du succès et de l’échec.”
2. La méditation n’est pas juste une technique anti-stress 
Le discours de Zhang Yiming rejoint un sujet auquel je pense depuis des années : le lien entre la spiritualité et cette étrange carrière qu’on appelle “le business en ligne”.
Vu de l’extérieur, les deux semblent parfaitement opposés :
La spiritualité, c’est s’enfermer dans un monastère tibétain et renoncer à toutes les possessions matérielles.
Le business, c’est utiliser la technologie et la persuasion pour gagner le plus d’argent possible, le plus vite possible.
… pas vrai ? 
En réalité, c’est plus compliqué que ça.
Tout dépend de votre définition du mot “spiritualité”. Voilà la mienne.
La quête spirituelle consiste à :
-
Comprendre et accepter la nature de la réalité dans laquelle vous existez
-
Comprendre et accepter votre place dans cette réalité
Donc la spiritualité prend tout son sens quand vous êtes plongé dans le monde réel. C’est un moyen de faire face aux difficultés de la vie en tant qu’être humain.
Si vous êtes isolé de tout problème dans un monastère, c’est facile d’être zen (ce que Zhang Yiming appelle un “esprit ordinaire”). Mais votre calme risque de s’évaporer à la première difficulté, dès que vous sortez de votre cocon protecteur.
(D’ailleurs, être moine dans un monastère n’a pas grand chose à voir avec la cure de relaxation qu’on peut imaginer vu de l’extérieur. Il y a souvent des pratiques spirituelles assez extrêmes qui sont justement nécessaires pour sortir le pratiquant de sa zone de confort.)
Ensuite, le business vous demande de prendre contrôle sur votre propre esprit. Sans cela, vous pouvez tomber dans un millier de pièges psychologiques : la procrastination, la peur de l’échec, l’arrogance du succès, etc…
3. Le business comme quête spirituelle 
Comme beaucoup d’adolescents, j’ai eu ma phase “manga”, pendant laquelle j’étais fasciné par les samouraïs et des livres comme La pierre et le sabre.
La source de cette obsession n’est pas juste “c’est cool de se bagarrer avec des épées”, mais aussi cette idée de “la voie du samouraï” comme une quête spirituelle :
-
Se dédier totalement à perfectionner un art martial
-
Contrôler ses perceptions et ses émotions
-
Se mesurer à son adversaire dans un combat au résultat sans appel
-
Accepter la conséquence ultime (la mort) en cas d’échec
Vu comme ça, lier la spiritualité à la violence à coup de katana semble encore plus absurde que de la lier au business.
Mais d’un autre point de vue, qui aurait plus besoin de la spiritualité que quelqu’un qui doit rester parfaitement calme dans une situation où il risque sa vie ?
Un combattant qui prend peur signe son arrêt de mort. Et donc on comprend assez facilement en quoi un samouraï chercherait à gagner la maîtrise totale de son esprit.
Donc la violence ne nie pas forcément la quête spirituelle.
Au contraire, elle lui donne un enjeu de vie ou de mort.
De la même manière, le fait qu’on cherche à gagner de l’argent avec le business en ligne n’empêche pas d’y trouver un vecteur de croissance personnelle. Au contraire, l’argent vous force à confronter la réalité : soit les gens achètent ce que vous vendez, soit votre business est mort.
Évidemment, les enjeux ne sont pas de la même échelle. L’entrepreneuriat est beaucoup moins impitoyable que les duels à mort du japon médiéval. Mais cette pression de la réalité extérieure reste très utile pour qui cherche sa place dans l’univers.
4. 3 enjeux pour l’entrepreneur-philosophe 
Pour un entrepreneur, une pratique spirituelle peut aider à répondre à 3 dangers posés par sa profession :
Éliminer le conflit interne 
Suite à mon expérience de détox de dopamine, j’ai réalisé qu’éliminer mes distractions avait augmenté mon énergie en éliminant certains conflits entre différentes partie de mon cerveau :
Une partie de mon cerveau a décidé de travailler dur. Une autre partie se plaint qu’on pourrait se la couler douce à la place.
Une partie de mon cerveau a pris la décision de lancer un projet. Une autre partie questionne incessamment l’utilité de ce projet.
Une partie de mon cerveau veut construire un travail que je serais capable de faire jusqu’à ma mort. Une autre partie de mon cerveau veut calculer obsessionnellement la date à laquelle je pourrais arrêter de travailler si j’épargne x% de mes revenus.
Ces conflits internes consomment une quantité massive d’énergie.
On ne peut pas les éliminer totalement, mais on peut sans doute les réduire. Et une manière de faire ça est de…
Voir la réalité en face 
Le but du jeu est de voir la réalité telle qu’elle est, sans la filtrer par les biais émotionnels de nos peurs, complexes et jugements :
Agir courageusement quand vous débutez, mais avec humilité quand vous avez déjà du succès.
Évaluer objectivement vos chances de réussite.
Faire face sans hésitation à un client mécontent, à un défaut dans votre produit, à un article négatif dans la presse.
Rester concentré sur l’essentiel malgré la pression 
C’est une combinaison des deux points précédents : si vous voyez la réalité en face, et qu’aucun conflit interne n’entrave vos actions, alors vous pouvez faire l’action optimale dans chaque situation.
Ça veut dire ne pas vous laisser décourager par un échec, ou un retour négatif. Mais aussi ne pas vous obstiner sur un projet quand il est clair que la demande n’est pas présente.
5. Une amélioration continue 
Il ne faut pas que cet email vous donne l’impression que j’ai tout compris et que je vous donne des leçons depuis mon petit nuage.
Au contraire, je lutte avec chacun de ces points au quotidien.
Mon objectif est de libérer mes émotions des hauts et des bas de mes projets, pour être heureux quelles que soient les circonstances.
Après quasiment 10 ans de méditation, je me rends compte que je suis encore très loin de cet idéal.
Mais il me semble qu’être entrepreneur est à la fois une bonne motivation pour suivre ce chemin, et un bon entraînement.
À bientôt,
Stan
|