Intervention d’Olivier Faure, Premier secrétaire du PS Conseil National du PS du jeudi 25 juillet
Chers camarades, merci à toutes et tous pour votre présence. Demain débutent les Jeux Olympiques et beaucoup n’imaginaient pas qu’à cette époque de l’année, nous serions encore mobilisés. Que vous soyez là, aussi nombreux, est une intense satisfaction.
Je repars d’abord du moment où nous sommes.
Nous sommes dans un moment trouble au plan international. C’est la guerre aux portes de l’Europe, la possible élection de Donald Trump après celle de Milei nous inquiète. Le monde est peuplé de dictatures qui testent nos résistances. Il suffit de regarder autour de nous pour voir à quel point nous avons besoin de la stabilité de l’Europe et, en Europe, de la France. C’est la raison pour laquelle tous nos partenaires européens ont regardé avec tellement d’attention ce qui s’est déroulé dans notre pays au cours des dernières semaines.
Le nombre de nos camarades socialistes européens qui m’ont fait part de leur inquiétude face à la montée de l’extrême droite, puis qui se sont réjouis le 7 juillet, donne la portée de notre responsabilité. Si à un moment, la France devait basculer à l’extrême droite, vous voyez le signal que cela enverrait en Europe et à travers le monde.
C’est là que doit se situer le point de départ de notre réflexion et de notre action. Nous n’avons pas obtenu une victoire définitive sur l’extrême droite. C’est un répit, un sursis. Cette épée de Damoclès pèse au-dessus de toutes nos têtes. Nous avons obtenu un mouvement exceptionnel, républicain, des Français qui se sont déplacés aux urnes comme jamais et qui ont permis de repousser cette fois-ci le RN. Mais combien seront-ils à le faire la prochaine fois? Combien seront encore disposés à le rééditer s’ils ont le sentiment qu’il fallait que tout le monde vote pour que rien ne change ?
C’est là que commence l’histoire que nous avons à écrire avec eux. L’extrême droite a totalisé près de 40 % des suffrages aux élections européennes et nous sommes passés très près de la catastrophe. 40 %, c’est bien plus que nous n’avons jamais nous même totalisé dans une élection européenne, alors même que nous avons gouverné à 4 reprises dans les dernières décennies. Et donc il y a là un effort que nous devons produire pour ne pas retomber dans nos débats picrocholins et rester à la hauteur de l’événement.
Rester à la hauteur de l’événement, c’est refuser toute forme de déni. Le déni. Je veux commencer par là aussi, avec le déni d’Emmanuel Macron. Je m’interroge quand je n’entends aucun représentant des courants minoritaires du parti évoquer Emmanuel Macron. Parce qu’en réalité, c’est le sujet principal. Le sujet, c’est un président de la République qui a été sanctionné à trois reprises, un président qui choisit de dissoudre dans la foulée d’une élection européenne perdue, en prenant le risque fou que dans la dynamique qu’avait su construire le Rassemblement national, il puisse atteindre une majorité, peut-être même absolue.
C’est le risque qu’il a pris. En appelant à une clarification. La clarification a eu lieu aux deux tours. Au premier tour, le parti qui le soutient est arrivé en troisième position. Huit points derrière le nouveau Front populaire. Je le dis parce que, à écouter quelques-uns d’entre vous, je me demande si le premier tour a bien été enregistré autant que le second.
Au second tour. La défaite a été cette fois-ci pour l’extrême droite. Mais ce n’est pas le parti présidentiel qui est arrivé en tête, c’est le Nouveau Front populaire. Certes ces 28 % ne font pas une majorité absolue, c’est une évidence. Mais 28 %, c’est le score d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle. Ce fut moins au premier tour des législatives qui suivirent. Et personne ne lui a contesté la légitimité de gouverner. Ces 28 % nous donnent une légitimité pour gouverner.
Notre progression, cela a été dit par Pierre Jouvet, a été significative. Significative parce que le Nouveau Front populaire a réussi à se placer en tête. Dans le Nouveau Front populaire, il y a une force qui a progressé plus que toutes les autres : la nôtre. Alors je sais bien que rien ne suffit jamais au TO1 et au TO3 pour reconnaître que la stratégie posée a permis de progresser aux européennes et aux législatives.
Mais je rappelle qu’il y a quelques mois à peine, le TO1 disait « nous aurions malgré tout préféré un socialiste pour conduire la liste ». Je suis heureux que désormais, tout le monde considère que notre choix était le bon. C’était un très bon choix. Et nous avons toutes et tous porté, dans l’unité, la candidature de Raphaël. Et c’est à la fois son talent personnel, sa capacité à être clair sur notre ambition européenne, mais aussi notre capacité à être une force unie derrière lui qui nous a permis d’aller chercher ces 13,8 %.
Dans les élections législatives, nous avions moins de candidats que les Insoumis. Nous avons certes rééquilibré les candidatures mais nous en avions moins et pourtant nous sommes arrivés à une quasi égalité d’élus.
Si nous n’avions pas eu le Nouveau Front populaire, le pari du président aurait pu être gagnant. Son pari, c’était celui de l’impossibilité pour la gauche de se mettre d’accord sur un programme et sur des candidatures, après s’être autant disputée dans les élections européennes. Et si nous avions été désunis, nous aurions certainement reproduit les scores des européennes. Nous aurions été les premiers à 14%, les Insoumis à près le 10%, les Verts à près de 5%, les communistes autour de 2 ou 3%. Mais, en moyenne – je ne dis pas que quelques-uns n’auraient pas réussi à passer le cap du premier tour -, les socialistes n’auraient pas été au second tour, pas plus que les Insoumis, pas plus que les Verts, pas plus que les Communistes. C’était là son pari. Se retrouver dans les circonscriptions les plus à gauche de notre pays, dans une situation où la gauche n’arrivant pas à se qualifier, ses électeurs votent au second tour pour ses candidats dans un réflexe républicain.
Nous avons déjoué ce plan en construisant le Nouveau Front populaire. Nous l’avons fait, non seulement avec quelques partis politiques, mais nous l’avons fait aussi avec le soutien massif de la société civile organisée. Nombre d’organisations qui n’avaient jamais pris position ont pris position en faveur du Nouveau Front populaire, ont appelé à voter pour nous, parfois même dès le premier tour.
Nous avons ensuite été les initiateurs du front républicain. Et nous avons là aussi, ça a été dit tout à l’heure par Nicolas, été la locomotive, parce que, dès le premier tour et avant même le soir du premier tour, nous avons, par nos tribunes, par nos expressions, toujours été clairs, et toujours exprimé, ce qui a toujours été le choix des socialistes.
Ce front républicain, nous sommes les seuls, -je parle là de tout le Nouveau Front Populaire, LFI comprise-, à l’avoir respecté partout sur le territoire. Ce n’est pas vrai de Renaissance. Ce n’est pas vrai d’Horizon. Ce n’est pas vrai du MoDem. Ce n’est surtout pas vrai des Républicains qui portent si mal leur nom, puisque eux ne se sont désistés à aucun endroit en notre faveur ou en faveur d’un autre candidat de gauche au 2nd tour. Et nous avons été, nous, faire leur succès. Et si aujourd’hui ils sont une cinquantaine à l’Assemblée, ils nous le doivent.
Mais le Front républicain, ce n’est pas un programme. C’est un réflexe, un réflexe républicain. De celles et ceux qui pensent que, au-dessus de toutes nos convictions, il y a la République. Mais ça ne fait pas un programme. C’est un front républicain. Ce n’est pas un programme commun avec Laurent Wauquiez, avec Gabriel Attal, avec Emmanuel Macron, avec Aurore Bergé, avec Gérald Darmanin ou avec qui que ce soit. Nous n’avons jamais conclu quoi que ce soit avec eux.
Et donc il y aurait là une forme de curiosité à désormais expliquer que nous avons été élus par le Front républicain et que nous devrions oublier le Front populaire. Moi, je n’ai jamais discuté avec Gabriel Attal sur d’autres questions que les désistements de second tour. Pareil avec Séjourné. Pareil avec Bayrou. Jamais aucun ne m’a parlé d’un projet commun. Et quand j’entends le chef de l’Etat cette semaine évoquer ce qui pourrait être le projet qu’il appelle de ses vœux pour une grande coalition qui irait des socialistes jusqu’aux Républicains, je n’entends rien de ce que nous portons.
Partons du fond, effectivement puisque c’est ce que les TO1 et 3 demandent pour contester le Nouveau Front Populaire. Partons de ce que chacun porte. Moi, je n’ai rien entendu sur aucun sujet qui puisse nous lier à Emmanuel Macron.
En revanche, ce que j’ai entendu, c’est que les Français ont dit non à Emmanuel Macron à 85 % le 9 juin et à 80 % le 30 juin. Et donc je vous demande comment vous interprétez les votes des Français !
Alors maintenant, venons en à la méthode pour réussir.
Fallait-il commencer par le fond comme le suggèrent les TO1 et 3? Mais le fond, c’était le projet que tout le monde a soutenu sans réserve. Il fallait donc trouver une incarnation pour porter ce projet. Quelle crédibilité aurions-nous si nous n’arrivions pas à nous accorder sur un nom?
La réalité, d’ailleurs, c’est que le TO1 a été le premier à dire qu’il fallait commencer par un nom, puisque c’est Hélène (Geoffroy) qui a proposé ma candidature dans le bureau national qui a suivi le deuxième tour.
La négociation a associé les TO. Pas le TO1 mais le TO3 à travers le président du groupe socialiste du Sénat, Patrick Kanner,relayé par Rémi Féraud, parce que nous n’avions pas la possibilité d’avoir quinze intervenants et que la présence de nos présidents de groupe était importante.
J’ai entendu dire ensuite que nous avons mis trop de temps pour aboutir à une candidature à la fonction de Premier ministre. C’est vrai que j’aurais préféré qu’on aboutisse au bout de trois jours parce qu’au bout de trois jours, c’était le moment où j’ai déclaré ma propre candidature à cette fonction. Même si j’ai apprécié votre soutien unanime, que j’espère résistant dans la durée…
Venons-en à nos objectifs sur cette nomination. Personne ne voulait de Jean-Luc Mélenchon, Premier ministre. Nous l’avons suffisamment dit pendant toute la campagne. Jean-Luc Mélenchon n’est pas devenu Premier ministre.
Il y a eu l’intervention du Parti communiste qui a d’abord soutenu notre candidature, puis qui a trouvé que ça traînait trop, et qu’il fallait passer à autre chose. Il a trouvé dans le soutien à Huguette Bello, le moyen de consolider son propre groupe.
Avec Huguette Bello, la négociation aurait pu finir au bout de cinq jours. Mais c’est notre conseil national qui a jugé que cette candidature n’était pas consensuelle avant même de connaître la position définitive des Verts. Soyons donc cohérents, on ne peut pas à la fois regretter la longueur de la discussion et ne pas reconnaître que nous avons nous mêmes légitimement contribué à prolonger la discussion.
Maintenant, j’entends dire qu’une nomination issue de la société civile – Lucie Castets – signifierait la décrédibilisation du monde politique. Mais c’est nous qui avons d’abord posé la candidature de Laurence Tubiana ! C’est nous qui avons porté ce débat face à l’ensemble de la gauche.
Dans une situation où nous étions bloqués, nous avons continué à tenir jusqu’au mardi matin où la candidature d’Huguette Bello était revenue. Je passe sur les détails de la discussion. Ça relèvera maintenant des livres d’histoire.
La candidature de Lucie Castets, c’est nous qui l’avons voulue. Ce n’est pas la France insoumise qui s’est beaucoup méfiée, ce ne sont pas les Verts qui proposaient plutôt une candidature écologiste comme point de centralité entre les deux blocs insoumis et socialiste. Ce n’étaient pas les communistes non plus. C’est nous qui l’avons proposée. Elle a même été candidate sur la liste que conduisait Nicolas en 2015 aux régionales en Normandie. Et il faudrait maintenant que nous soyons les premiers à dire que, finalement, on ne sait pas très bien si nous la soutenons ou pas ?
S’accorder sur un nom était utile à la fois pour dire aux Français et aux Français que nous étions à la hauteur du moment et signifier au chef de l’Etat que nous avions un candidat pour Matignon. J’ajoute que c’est aussi un message adressé à la société civile organisée que nous respectons parce que nous ne gagnerons pas les prochains combats si nous n’avons pas son soutien. Et je peux vous dire une chose, c’est que Lucie Castets n’est pas connue du grand public, mais elle l’est de toutes celles et ceux qui cherchent à penser la gauche hors des partis. Elle est plébiscitée par toutes les organisations, je dis bien toutes les organisations. Je n’en ai vu aucune la réprouver. Ni syndicale, ni associative, ni les ONG, ni personne. Parce que le combat qu’elle porte sur les services publics depuis longtemps est un combat qui nous unit toutes et tous.
Alors c’est sûr que la surprise a été totale. D’abord pour elle. Elle n’avait rien demandé, ni espéré. Mais je trouve que depuis 48 h, elle est particulièrement à la hauteur. Imaginez que vous soyez un jour appelée un matin, par le premier secrétaire du PS qui vous dit: “Est ce que tu es d’accord pour être la candidate pour Matignon du nouveau Front populaire?”, que ton nom puisse être adressé aux autres partenaires avec le risque qu’il sorte et que tu ne sois même pas, in fine, choisie ? Et elle m’a dit oui. Et Lucie a ensuite accepté d’endosser cette responsabilité quand le NFP a donné son accord. Elle a accepté d’endosser la charge. Elle mérite tout notre soutien.
Si vous ne soutenez pas l’espoir né avec le Front populaire, quelle alternative fixez-vous ? Je veux bien que vous disiez que vous voulez une autre majorité. Mais quelle autre majorité? Si il n’y a pas la France Insoumise, il n’y a pas de majorité relative pour la gauche ! Si vous pensez que nous pourrions participer à une majorité dite républicaine, celle à laquelle appelle Emmanuel Macron, non seulement elle n’offrirait pas davantage de majorité absolue et pire nous participerions à une majorité relative où la gauche serait minoritaire en son sein !
Macron est en ce moment dans les réceptions qui entourent les Jeux olympiques. Il a reçu aujourd’hui des patrons. Il leur a fait une promesse. Il leur a dit qu’il ne nommera personne du Front populaire. Ce que Macron veut, c’est prolonger sa propre politique. Il n’a pas prévu de changement de cap. Il veut bien débaucher, ça on connaît la méthode. Je vois bien ce qu’il tente auprès des uns ou des autres. Mais qui est candidat pour prolonger les 7 premières années du mandat de Macron ?
Mais plus grave pour moi, je l’ai dit en commençant, nous sommes dans une forme de répit, de sursis face au RN. Et bien, je prétends qu’il n’y a rien de pire que la confusion. Si nous entretenons une confusion entre la droite et la gauche, alors la seule alternative qui restera aux Français, ce sera l’extrême droite.
Le meilleur remède pour faire baisser l’extrême droite, c’est le retour au clivage gauche-droite. Parce que la démocratie exige la possibilité d’une alternance. Le défaut originel du macronisme, c’est d’avoir renvoyé cette alternative à l’extrême droite.
Avec qui voulons-nous construire cette alternative ? J’entends que vous voulez retrouver un arc républicain et, dans cet arc républicain, vous avez déjà exclu LFI. J’entends aussi que Philippe, dans son intervention va plus loin encore en nous parlant des “verts pastèque”. Verts à l’extérieur et rouges à l’intérieur. Comment peut-on ici reprendre l’expression consacrée de Jean-Marie Le Pen? Ils ont leurs défauts comme nous avons les nôtres, mais ce sont nos partenaires et si on ne construit pas avec eux, alors avec qui voulez-vous avancer ? Avec les seuls communistes ? Aux municipales, vous pensez sérieusement qu’on va rentrer dans un conflit, partout en France, avec les écologistes, ce que suggère Philippe ?
Nous avons fait 13,8 % aux élections européennes. C’est beaucoup et c’est bien peu à la fois. Alors je vous appelle parfois aussi à la lucidité et à un peu de modestie. Parce que ce qui nous a coûté dans le passé, c’est parfois de considérer que nous pouvions être seuls, et avoir raison contre tous.
Hélène Geoffroy, David Assouline nous disent enfin que le message a été brouillé par ces semaines de négociations. Sans doute. C’est vrai que nous aurions pu espérer aller plus vite, je viens d’en parler. Mais ce qui brouille le message maintenant, à coup sûr, c’est le fait de nous retrouver en Conseil National avec ces débats-là.
Ce qui brouille le message, Hélène, toi qui présides notre Conseil National, c’est que tu aies fait le choix d’une interview au Parisien qui sort à 18h, au moment où commence le Conseil National. Ça, ce sont des méthodes que nous avons déjà beaucoup éprouvées par le passé et ces méthodes nous ont beaucoup perdu. Je ne comprends pas comment, en étant celle qui a toujours dit qu’il fallait d’abord respecter nos institutions internes, tu puisses prendre cette liberté d’afficher à l’extérieur nos désaccords avant même que le débat interne ait eu lieu. Bien sûr que le débat stratégique a toujours eu sa place en notre sein. Mais laisser penser que nous sommes entrés dans un nouveau congrès !… C’est le mot qui est revenu à plusieurs reprises… Est ce que vous pensez que nos militants sont prêts à vivre un congrès maintenant ? On a fait des élections européennes, on a fait des élections législatives. On est en train de se battre pour avoir un gouvernement de gauche. Et nous, on irait, pendant ce temps-là, faire un congrès ? Vraiment ?
Je pourrais vous dire que j’y suis prêt. Je vois que nous avons à peu près 3000 adhérents qui sont arrivés depuis une quinzaine de jours. Je pourrais dire banco. Je pourrais dire qu’au fond, je serais dans une situation peut être plus favorable qu’au Congrès de Marseille. Mais j’ai aussi conscience de la responsabilité que je porte comme Premier secrétaire. Qui comprendrait que nous ouvrions un congrès ? Un congrès, c’est neuf mois de débats entre nous, entre le moment où on commence et le moment où les premiers fédéraux sont élus. Est ce que quelqu’un pense que nous avons le luxe de passer neuf mois à partir de maintenant pour avoir un congrès où nous nous diviserions encore pendant que le Front populaire, lui, appellerait le président de la République à prendre ses responsabilités. C’est une folie !
Vous voulez vraiment que LFI prenne tout l’espace à gauche? Parce que LFI dirait quoi? Ils diraient “les socialistes, ils ont fait le choix de se battre entre eux. Nous, ce qu’on veut, c’est que le Front populaire arrive au pouvoir, qu’il mette en place des mesures sociales, qu’il mette en place des mesures écologiques, qu’il permette enfin d’avoir les mesures démocratiques qui manquent tant”.
Et nous, nous répondrions : nous n’avons pas le temps de nous occuper de ça parce que pour le moment, nous nous occupons de nous-mêmes…
Franchement, parfois je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment nous arrivons à transformer l’or en plomb. Comment peut-on sacrifier notre place centrale pour rejouer un match 100 fois joué entre nous.
Parce que la réalité, c’est que votre obsession de la place de Jean-Luc Mélenchon n’a plus de sens. Jean-Luc Mélenchon a tenté de revenir et d’expliquer, jusque dans les débats de la semaine, qu’il pouvait être le Premier ministre. Il n’est pas devenu Premier ministre, il n’a pas imposé l’un des siens au poste de Premier ministre. Il n’a même pas imposé celle qui était compagne de route des insoumis. Il ne nous a rien été imposé. Rien ! Et donc comment pouvez-vous, contre toute réalité, expliquer que nous sommes soumis aux insoumis? Avec de tels éléments de langage, vous allez réussir, dans quelques heures, à expliquer que Lucie Castets est leur candidate. La vérité est plus heureuse : jamais les rapports entre les partis de la gauche et de l’écologie n’ont été aussi équilibrés depuis 2017.
La responsabilité que nous avons, celle de l’affirmation des socialistes, c’est bien de dire, au contraire, que nous n’avons jamais été aussi centraux depuis longtemps.
Nous sommes la force en tête depuis le 7 juillet. Alors maintenant, il faut répondre à ceux qui nous ont fait confiance. Ne pas les décevoir, leur dire que, oui, nous sommes là, que, oui, nous voulons appliquer le maximum du programme du Front populaire.
C’est pourquoi nous voulons un gouvernement du Front populaire qui ait pour base -ce qu’a dit Lucie Castets-, le programme du Nouveau Front populaire.
Mais nous savons aussi que nous n’avons pas de majorité absolue. En conséquence, quand le débat viendra au Parlement, que se passera-t-il? Et ça, même les Insoumis le savent. Sur n’importe quel texte, des amendements seront adoptés contre notre consentement, que ferons-nous alors ? Dirons-nous que, puisque le texte n’est pas à 100 %, le nôtre, on se refuse à le voter ? Moi, je suis prêt à adopter un texte qui adopterait même 50 % de ce que nous avons annoncé. Parce que je sais que ces 50 % là, ils bénéficieront aux gens qui nous ont fait confiance et qui ont besoin de nous !
La politique, ce n’est pas un jeu. La politique, ce sont d’abord les conditions d’existence de millions de Françaises et de Français. Alors, oui à un gouvernement du Nouveau Front populaire ! Oui, il faut accepter l’idée que le débat parlementaire, ce n’est jamais tout ou rien ! C’est dans le débat et dans les votes qu’accompliront les uns et les autres que s’élargira peut-être la majorité, pas dans un accord de couloir dans le dos des Français, mais devant eux, dans la clarté, à ciel ouvert.
Ça a été dit par Sarah (Kerrich). Où sont les macronistes de gauche? A ce jour, on n’en compte qu’un seul qui siège parmi les non-inscrits. Un seul qui ait eu le courage de dire qu’il n’appartient plus à l’ex majorité présidentielle. Un seul !
Nous verrons à partir de chaque texte où chacun se situe. La porte n’est fermée à personne. Mais c’est dans l’épreuve, dans les votes, dans la constitution d’un rapport de force, que nous verrons ce qui se passe. Pas en allant chercher à expliquer aux Français que, à peine élus, nous sommes déjà en train de négocier avec des gens qui ont gouverné pendant 7 ans, que nous avons combattus et contre lesquels nous avons été élus.
Et enfin, il y a ce que nous devons faire avec toutes ces forces qui peuvent porter avec nous des combats majoritaires dans le pays. J’ai eu les dirigeantes des principales centrales syndicales au téléphone. Aucune d’entre elles ne m’a dit que notre histoire était à dormir debout. Au contraire, elles sont prêtes à renouer les fils du dialogue social avec la seule coalition qui y soit aujourd’hui disposée. Même le patronat, figurez vous, considère le NFP. Patrick Martin m’a appelé. Il m’a dit qu’il ne savait pas si nous serions vite au Gouvernement mais qu’il souhaiterait un dialogue avec le Nouveau Front populaire.
Si nous sommes la gauche de gouvernement, c’est d’abord parce que nous sommes la gauche. Ensuite, c’est parce que nous sommes capables de nouer des accords avec la société, à organiser le dialogue avec tous les corps intermédiaires, qu’il s’agisse des partenaires sociaux, des associations, des collectivités locales. C’est ce qui fait que nous sommes des sociaux-démocrates, comme on le dit parfois même si pour des raisons organisationnelles la social-démocratie n’a jamais existé en France. Nous sommes socialistes.
Mais la social-démocratie nordique, c’est précisément cette capacité à nouer le dialogue avec d’autres sur la base d’un rapport de force. Et ce que nous devons faire maintenant, c’est nouer le dialogue avec la société française, faire en sorte de construire des majorités dans le pays puis au parlement.
Le symbole que nous avons offert au Nouveau Front populaire, c’est de le faire avec quelqu’un qui incarne la société civile organisée. Ce choix là, je le trouve pour ma part, excellent.
Je sais que beaucoup s’imaginent que la politique, c’est une affaire d’ego. Et bien, le mien, il est à partir d’aujourd’hui au service de Lucie Castets. Je me mets à son service comme je me mets au service des Françaises et des Français qui nous ont fait confiance et que je ne veux pas décevoir.
Depuis un mois, il y a des gens tous les jours qui m’interpellent et qui me disent : “Ne nous décevez pas ! Faites en sorte que la gauche soit la gauche”. Voilà notre mandat ! Voilà ce que nous devons réaliser, et voilà ce que nous devons accompagner ! Si le Parti socialiste ne cherche pas à consolider ce nouveau Front populaire, si nous prenons le rôle des communistes de 1936 en affichant un soutien sans participation, si nous refusons l’exercice du pouvoir, si nous ne prenons pas nos responsabilités, alors nous passerons à côté de l’histoire.
Nous ne pouvons pas avoir été candidat pendant trois semaines, avoir battu les estrades, expliqué partout que nous allions redonner un espoir à ce pays, faire en sorte de faire reculer l’extrême droite, et maintenant, au milieu du gué, lâcher prise !
Tout ça pour retourner à nos propres démons internes et oublier l’essentiel, c’est -à -dire les causes qui nous portent. Je le dis du fond du cœur, je le dis avec toute ma force de conviction.
Je veux bien tout ce que vous voulez. Je veux bien des conventions et des congrès. Je veux bien même être battu sur cette ligne là. Ça m’est égal. Je ne fais pas de la politique pour être Premier secrétaire. Il y a quand même des moments où, vous pouvez l’imaginer, je préfèrerais passer ma vie à autre chose. Je le suis parce que je crois à ce que je fais. Et depuis six ans que je suis votre premier secrétaire, je pense n’avoir jamais trahi l’ambition collective. Et je pense avoir permis à chaque étape que nous passions chacune des haies qui nous faisaient face et permis ce rééquilibrage des forces à gauche.
Alors maintenant, ce que je demande à chacun, c’est de la lucidité, de retrouver l’esprit de cohésion qui nous a animé depuis quelques mois et de faire en sorte que nous sortions de ce Conseil National unis.
Et nous irons défendre ensemble la candidature de Lucie Castets pour Matignon.
Nous mettrons toute notre force pour que le Nouveau Front populaire puisse gouverner.
Et nous apporterons un peu de lumière à ceux qui attendent tant de nous !
Voilà ce que je crois. Et voilà ce que je voulais vous dire ce soir.
Olivier Faure Premier secrétaire du Parti socialiste
|