Réfugiés espagnols pendant leur transfert au camp de Barcarès (Pyrénées-Orientales), mars 1939, Robert Capa © Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration
Dans les camps, les conditions sont très difficiles. Parqués sur la plage d’Argelès sur mer, Yayo creuse un trou dans le sable tous les soirs pour lutter contre le vent et le froid – et s’emmitoufle dans sa couverture.
Il n’y a pas de toilettes, tout se fait dans la mer. Les reflux rendent rapidement le camp insalubre et les maladies commencent à emporter les plus fragiles.
7- La maladie…
Yayo tombe malade un matin, il a une bronchiolite. Par chance, il entre en contact avec des Français aux travers des grilles du camp, et parvient à échanger son stylo contre des médicaments. Il s’en sort.
8- Le sentiment d’exclusion…
Une fois sorti des camps Yayo cherche immédiatement du travail dans une France en guerre qui voit d’un mauvais œil ces réfugiés espagnols. Il devient électricien en rencontrant une bonne âme qui accepte de le former.
9- Le sentiment de n’être pas assez bien…
Après toutes ces péripéties, Yayo trouve enfin un rayon de soleil dans sa vie : Marie-Laure, une jeune Belge exilée suite à l’invasion allemande.
Mais Marie-Laure vient d’une famille de la haute-bourgeoisie alors que Yayo est un petit ouvrier qui peine à gagner de quoi se vêtir.
Le père de Marie-Laure, un riche industriel qui avait fortune dans l’import de coton, fera tout ce qui est en son pouvoir pour faire échouer cette union.
Il tenta même de renvoyer sa fille dans sa Belgique natale afin qu’elle oublie ce jeune réfugié espagnol…
10- Une vie avec des revenus modestes…
Mais l’Amour est plus fort et les deux parviennent à leurs fins. Lui avec un salaire d’électricien et elle travaillant chez les bonnes sœurs, ils élèvent deux enfants. Ils sont hébergés par le couvent du village.
11- Etre athée dans ce monde de fou… ou la nécessité d’un art de vivre.
La vie n’épargne pas non plus Marie-Laure à qui la Guerre a fait perdre toutes ses possessions et son statut social.
Elle perdra bientôt sa mère d’une maladie, puis son père refera sa vie avec une femme infâme qui coupera son nouveau mari de sa vraie famille.
Malgré tout, Marie-Laure a la foi chevillée au corps…
Elle gère le quotidien à bras le corps – et ça se voit : elle est souriante, pétillante, l’esprit facétieux. Elle passera toute sa vie à aider son prochain.
Pour Yayo, les choses sont un peu différentes… il tolère la religion de sa femme sans réellement adhérer à ses bondieuseries…
Pour lui la spiritualité c’est plutôt un art de vivre.
L’Art de vivre du pêcheur…
Mais Yayo a tenu le coup… en partie grâce à cet Amour presque impossible entre ces deux âmes que tout opposait et qui finirent quand même par se rencontrer…
Et en partie grâce à cet art de vivre qu’il a cultivé tout le reste de sa vie…
Un art de vivre composé de pêche à la truite, de parties de pétanque, de ramassage de champignons dans ses montagnes pyrénéennes et de bons moments passés en bonne compagnie, la famille et les amis…
… souvent avec un petit verre de vin tendu vers le ciel !
Conclusion
Si je vous raconte tout cela c’est parce que cette histoire de vie est assez révélatrice des deux systèmes de pensée qui se jouent en nous :
La pensée traditionnelle et la pensée spirituelle.
Traditionnellement on pourrait dire que cette histoire est assez ordinaire.
C’est l’histoire d’une génération qui a connu la Guerre.
Comme dans toutes les guerres, il y a deux camps qui s’affrontent, chacun doit choisir son camp avec une conviction plus ou moins forte.
Comme beaucoup en Europe, certains ont connu l’exode (d’autres la conquête) et ont quitté leur pays pour échapper aux bombardements (pendant que d’autres prenaient possession des lieux et des ressources).
Il y eut de lourdes pertes humaines pendant cette période, des deux côtés.
Quand la folie meurtrière a pris fin, qu’on a fait couler beaucoup de sang et de plomb, on a désigné un vainqueur et on a signé la Paix.
Ensuite, la vie a repris son cours.
Tout cela fait partie de l’évolution naturelle dans ce genre de contexte.
Mais spirituellement, on voit qu’autre chose se dessinent :
Déjà, ces âmes ont choisi de s’incarner dans cette époque pour vivre une grande variété d’épreuves… des plus intenses aux plus douces.
Que vous soyez du côté de l’oppresseur ou bien de la victime, le libre-arbitre intervient et vous aviez énormément de façons de vivre cette guerre.
Côté oppresseur, on en parle peu mais il y eut beaucoup d’artistes, intellectuels, juges, politiciens, hommes d’Eglise à s’opposer à la folie hitlérienne ou franquiste. Beaucoup aussi s’y sont engouffrés.
Côté oppressé, on pouvait là aussi faire tout un tas de choix :
Des choix politiques (républicains VS nationalistes) … des choix moraux (contrebande VS vivre la faim et la précarité) … des choix de cœur (suivre son cœur ou bien se plier à l’avis de la belle-famille) …
Rien n’est plus facile que de juger le choix des gens rétrospectivement et quand on n’a eu aucun rôle à jouer dans l’histoire.
Ce n’est pas le propos ici.
Ce qu’on veut dire c’est qu’on ne nous prépare jamais assez à prendre des décisions, et qu’il est toujours bon d’y réfléchir un tant soit peu avant que cela ne s’impose à nous.
C’est aussi le but de cet article.
En tout cas et pour finir, toujours selon la vision spiritualiste des choses, on ne peut pas songer un instant que la rencontre entre ces deux êtres fut purement fortuite…
Et ces deux-là étaient très certainement faits pour se rencontrer, au moins pour faire renaître un peu d’espoir dans un monde à l’agonie.
Leurs enfants ont eu leur lot d’épreuves aussi… enfants d’immigrés en France, ce n’est pas un parcours de santé non plus…
… et puis leurs petits-enfants ont eu leur lot également, et bis repetita.
Mais quand on compare la dureté de leur vie à la nôtre… nous qui n’avons pas à nous inquiéter pour notre survie… qui avons accès à tout à satiété…
… et même le luxe de pouvoir choisir nombre de critères de notre vie.
On se dit qu’il n’y a sans doute qu’une seule raison valable pour laquelle nous avons cette chance extraordinaire de nous la couler douce par rapport à ces générations, et celles qui les ont précédés…
Et cette raison, c’est peut-être simplement qu’on nous a donné la chance de pouvoir œuvrer pour le bien commun… ce qui est quasiment impossible à faire quand on est concentré sur sa propre survie et celle de sa famille.
Quelles que soient nos qualités… nous avons la responsabilité de faire, plutôt que de ne pas faire… et si possible, de faire le Bien…
… à notre échelle, et sans chercher à régler tous les problèmes du Monde !
Sans doute n’y a-t-il pas de jugement à avoir sur les choix de chacun… car chaque cas est différent, et nous avons toute la vie pour comprendre où se trouve l’essentiel…
Mais quand on a le “loisir” il faut “agir”.
Je ne sais pas vous mais je me dis que mes capacités d’endurer les épreuves sont bien modestes comparées à celles de mon grand-père…
Aussi, le moins que je puisse faire, c’est d’essayer de faire de mon mieux pour utiliser mon temps de vie à bon escient. Dont acte !
Et la bonne nouvelle c’est que ce n’est en aucun cas incompatible avec cet art de vivre cher à mon grand-père.
Salut l’artiste !
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