A. Tout prend plus longtemps que vous ne l’imaginez
J’ai reçu cette question dans mes consultations hebdomadaires :
“Ça fait 6 semaines que j’ai commencé et je n’ai toujours pas d’idée de business. J’ai l’impression d’être à la ramasse. Peut-être que je ne suis pas fait pour ça ?”
Il n’y a rien de mal à poser cette question, mais on peut se demander si passer 6 semaines à chercher une idée, c’est vraiment trop long.
C’est 6 semaines pour poser les bases d’un business qui a le potentiel de changer votre vie…
6 semaines pour choisir le projet auquel vous allez consacrer les 3 à 7 prochaines années de votre vie professionnelle…
Dis comme ça, ça ne semble pas si long que ça.
Et pourtant, la personne qui pose cette question voit les autres membres de la formation avancer plus vite et se dit “ça va trop lentement !”
C’est pareil pour les entrepreneurs qui semblent réussir du jour au lendemain.
Par exemple, l’application de messagerie Slack est passée de 0 à 1 milliard de dollars de valorisation en moins d’un an en 2014.
Impressionnant !
Mais :
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L’entreprise qui est devenue Slack avait été fondée en 2009
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L’idée originale était un jeu en ligne : Slack était un outil de collaboration utilisé en interne pendant le développement. Ce n’est que quand le jeu en ligne a échoué que l’entreprise a pivoté sur l’idée d’une application de messagerie
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Le fondateur était un entrepreneur en série qui avait précédemment fondé Flickr
On retrouve ces mêmes éléments derrière l’histoire des entrepreneurs qui explosent rapidement. Dans 99% des cas :
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Ils ont des années d’expérience derrière eux (soit en tant qu’employé dans des start-ups, soit en tant que fondateur d’un projet précédent)
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Ils travaillent sur ce business depuis des années, mais vous n’avez jamais entendu parler d’eux… jusqu’au jour où ils ont décollé
Ça nous laisse 1% de gens qui réussissent réellement du jour au lendemain. C’est comme le Loto : il y a juste assez de gagnants pour qu’on entende parler d’eux dans les médias, mais ça n’est pas un plan valable.
Donc vous ne pouvez pas miser sur ce coup de chance – et vous ne devriez pas en avoir besoin.
3 à 7 ans d’effort pour construire un business qui vous libère de toute inquiétude financière, c’est long… mais ça vaut quand même le coup !
B. La rançon de la patience
Plus votre horizon de temps est long, plus vos chances de succès augmentent.
Par exemple, si vous vous fixez l’objectif de courir un marathon dans les 30 prochains jours (sans jamais vous être entraîné jusqu’à aujourd’hui), ça n’est pas impossible… mais vous allez terriblement souffrir, sans garantie d’arriver jusqu’à la ligne d’arrivée.
Mais si vous décidez de terminer un marathon d’ici 3 ans au plus tard – et que vous n’abandonnez pas en cours de route – vous êtes quasiment certain de réussir (en supposant bien sûr que vous n’avez pas de contre-indication médicale, etc…).
La même idée s’applique à n’importe quel domaine de votre vie : Apprendre un instrument dans les 3 prochains mois ? Très dur. Dans les 3 prochaines années ? À la portée de n’importe qui.
Ou encore :
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Apprendre une langue étrangère. En 3 mois ? Il faut être un génie. En 3 ans ? Totalement faisable.
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Trouver l’amour. En 3 mois ? Il faut avoir un coup de chance ? En 3 ans ? Vous aurez le temps de rencontrer 1000 candidats, ou plus.
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Monter un business. En 3 mois ? Seulement si toutes les étoiles sont alignées. En 3 ans ? Ça vous laisse le temps d’itérer et de pivoter plusieurs fois.
C’est assez facile de changer votre vie si vous êtes prêt à travailler sur quelque chose pendant 3 ans.
C. Avoir tout, tout de suite
Et pourtant, on vit dans une culture qui nous encourage à avoir tout, tout de suite.
On n’est pas prêt à investir 3 ans pour changer de vie, et donc on essaie de le faire en 3 mois. Naturellement, on échoue, puis on abandonne.
Mais le temps ne s’arrête pas. Dans 3 ans, on sera toujours 3 ans plus tard. Sauf que votre impatience vous aura fait y arriver les mains vides.
Cette impatience est partout, mais elle est encore pire dans le milieu de l’entrepreneuriat, ou on vous donne l’impression que si vous ne faites pas 10k/mois après 6 mois, vous avez raté votre vie.
Les causes sont connues : Instagram, le biais du survivant, les vendeurs de rêve, les médias blablabla…
Je ne vais pas vous refaire un argument que vous avez entendu mille fois.
De toute manière, quel que soit le bouc émissaire que vous désignez, l’impatience vient de notre nature humaine.
Les gens étaient jaloux et obsédés par leur image avant Instagram, les smartphones ou même la télé. Les gens rêvaient de devenir riche sans effort avant les vendeurs de rêve et les “success story” dans Techcrunch. Il y avait des obèses avant McDonald’s.
Peut-être que ces tendances ont empiré avec le temps, peut-être pas. (Pour l’obésité, c’est très probablement le cas – mais pour le reste, est-on vraiment sûr ?). Mais ça n’est pas le vrai problème, car le problème se trouve dans votre tête.
Fondamentalement, notre cerveau humain cherche constamment la satisfaction immédiate.
D. Pouvez-vous apprendre à devenir patient ?
Devenir plus patient pourrait donc être un des meilleurs hacks de développement personnel : vous seriez à la fois plus heureux ET plus efficace.
Mais est-ce possible ?
Je pense que oui, car j’ai moi-même fait quelques progrès.
Ça reste un sujet sur lequel je travaille tous les jours. Mais au fil du temps je suis passé d’un horizon de temps de 90 jours à 1 à 2 ans. Mes meilleurs jours, je peux sereinement envisager un projet qui ne paiera de dividendes que dans 5 ans.
C’est loin d’être parfait, mais il y a une amélioration !
J’aimerais un jour pouvoir travailler sur un projet avec un horizon de 20 ans ou plus. Imaginez ce qui est possible quand vous êtes capable de délayer la gratification pendant aussi longtemps…
Peut-être y arriverai-je un jour, mais ça prendra… du temps 😉
Alors comment peut-on pratiquer la patience ? Voici quelques idées :
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Développer des modèles mentaux réalistes : beaucoup de gens se plaignent des médias qui donnent une image déformée du succès, mais rares sont ceux qui cherchent proactivement à se construire un modèle mental plus exact.
Saviez-vous que vous pouvez aller voir des vidéos de Cyprien datant d’il y a 11 ans ? Quand vous découvrez quelqu’un qui a un succès impressionnant (Cyprien a quasiment 14M d’abonnés 🤯), essayez de creuser dans son parcours. À quoi ressemblaient ses débuts ? (C’est rarement glamour.) Combien de temps a-t-il mis avant de percer ? (Rarement moins de 3 ans).
Peut-être que les médias n’ont pas d’intérêt à vous servir ces informations sur un plateau (ils préfèrent écrire des titres clickbaits sur les salaires des YouTubeurs) – mais personne ne vous les cache. Si vous faites l’effort de chercher, vous allez trouver.
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Décider si c’est le moment d’apprendre ou de gagner un maximum : c’est un concept que les américains appellent “learn or earn”.
Si vous n’avez aucune compétence et aucun avantage, c’est tout simplement naïf d’imaginer que vous allez exploser du jour au lendemain. La solution est de changer la manière dont vous mesurez vos progrès.
Soyez prêt à passer 1 à 3 ans à apprendre et expérimenter pour développer les compétences dont vous aurez besoin plus tard.
Ca ne veut pas dire passer 3 ans à “vous former” – c’est à dire regarder du contenu sans rien faire. Les compétences de marketing, entrepreneuriat et management dont vous aurez besoin ne s’apprennent que par la pratique.
Vous pouvez donc soit travailler pour un entrepreneur (ce qui ne vous rendra pas forcément riche tout se suite, mais vous permet d’apprendre très vite), ou lancer vos propres projets (en essayant sérieusement de les faire décoller, mais en comprenant que le plus important à ce stade est encore d’apprendre).
La plupart des gens parviennent à passer plusieurs années en études en attendant de commencer à toucher un salaire. En appliquant la même mentalité à l’entreprenariat web, ce n’est pas un drame si vos 1 à 3 premières années ne sont que vaguement rentables.
De toute manière, même si vous ne vous en rendez pas compte sur le moment, c’est généralement ce qui finit par se passer. Ce que vous gagnez sur les années 4 à 10 est tellement démesuré que, par comparaison, vos 3 premières années n’auront généré que de l’argent de poche – même si vous aviez l’impression de cartonner sur le moment. (C’est une conséquence de cet “effet boule de neige” dont je vous parle souvent).
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Faites des progrès quotidiens : le danger de la patience, c’est qu’elle est difficile à différencier de la complaisance. Êtes-vous patient… ou juste stagnant ?
La solution est de vous forcer à faire des progrès tous les jours. Pensez à Pokémon : quand votre Pokémon de niveau 5 passe au niveau 6, vous êtes content. Vous n’êtes pas en train de penser à tout le travail qu’il vous faudra pour arriver au niveau 60 et battre la ligue.
Paradoxalement, c’est en se concentrant sur l’action de mettre un pied devant l’autre qu’on peut courir de longues distances. Si vous pensez trop souvent au chemin qu’il vous reste à parcourir, vous êtes perdu.
L’astuce est de réfléchir à la manière dont vous voulez mesurer ce progrès. Ce n’est pas envisageable de gagner chaque jour plus d’argent que la veille. Par contre, vous pouvez chaque jour augmenter la quantité de contenu que vous avez créé à date – même si c’est juste 500 mots ajoutés dans un document pour un futur article.
Quand j’écrivais mon livre, j’avais un tableur où j’entrais chaque jour le nombre de mot écrits et le temps passé sur le manuscrit. Le total ne pouvait faire que monter. Depuis, je me sers de ce tableur pour tout ce que j’écris. Ce mix va ajouter environ 3000 mots à mon total, qui se chiffre aujourd’hui dans les centaines de milliers de mots.
Identifiez ce qui fait avancer votre business et que vous contrôlez à 100%. Pour moi, c’est la création de contenu, mais pour vous ça peut être le nombre de clients prospectés, ou les heures passées à coder.
Concentrez-vous sur les actions qui font monter cette courbe vers le haut à droite. Tant que vous avancez chaque jour, vous aurez un petit boost de motivation quotidienne qui vous fait oublier que vous êtes à des années de votre objectif final.
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Appréciez le processus : il est plus facile d’attendre quand on n’est pas dans la souffrance. Si vous êtes dans une situation intolérable, vous serez forcément impatient, et c’est bien normal…
Mais bien souvent, notre situation actuelle n’est pas horrible – elle n’est juste pas aussi bien que ce dont nous rêvons. Malheureusement, cet effet de comparaison rend notre vie en cours plus difficile à supporter.
Je me suis confronté à cette difficulté ces dernières années. Je me suis fixé un objectif extrêmement ambitieux, et donc je me suis mis à travailler comme un charbonnier pour y parvenir… ce qui a fait que je suis devenu épuisé par ma routine quotidienne et je me suis mis à compter les jours avant que mon objectif ne soit atteint.
J’ai fini par réaliser que, sur le long terme, je serais mieux servi à atteindre mon objectif en 6 ans pour construire une carrière de long terme ; plutôt que d’y arriver en 4 et de n’avoir plus envie de toucher un business pour le restant de ma vie.
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Détox de dopamine : c’est la dernière technique à la mode chez les YouTubeurs anglophones qui parlent de productivité (par exemple chez Andrew Kirby, Alex Becker et Noah Kagan). L’idée est que les distractions omniprésentes rendent notre cerveau “addict” au shot de dopamine que nous recevons à chaque notification, email, commentaire, etc… La conséquence est que nous cherchons toujours la prochaine distraction, ce qui nuit évidemment à notre patience et notre capacité de concentration.
J’ai toujours été relativement discipliné dans ce domaine : je n’utilise pas les réseaux sociaux, je n’active aucune notification, mon téléphone est toujours en silencieux…
Mais récemment je me suis rendu compte que je me baladais toute la journée dans ma maison avec mon téléphone avec moi. Pour quoi faire ? Le smartphone est un outil précieux quand vous vous déplacez, mais inférieur quand vous êtes chez vous : il est plus rapide de répondre à mes emails sur mon ordinateur, il est plus utile de lire un livre sur mon Kindle qu’un article random sur mon téléphone, et il est plus relaxant de regarder une vidéo sur ma télé plutôt que courbé en deux sur un écran minuscule.
Le principe fondamental est d’apprendre à vous concentrer sur une chose à la fois : travaillez quand vous travaillez et détendez-vous quand vous vous détendez. Le smartphone mélange tout et diminue la qualité du temps passé.
Donc ma version actuelle de la “détox de dopamine” est de laisser mon téléphone dans un tiroir quand je suis à la maison. Si j’ai un message à envoyer, je peux aller le chercher (puis le remettre dans son tiroir). J’élimine les distractions de basse qualité, et si j’ai envie de m’aérer la tête, je lis sur mon Kindle.
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Avoir un enfant : j’ai un tableur avec des projections financières sur 10 ans que j’ai démarré en 2017. Le tableur finit donc en 2027.
Avant, quand je voyais que ça prendrait 7 ans pour atteindre un certain objectif financier, ça semblait une éternité. Je n’arrivais simplement pas à me représenter un horizon de temps aussi lointain. J’ai rajouté une colonne avec mon âge pour essayer de rendre ça plus concret : “J’aurais 35 ans que je vais atteindre X” – mais même ça me semblait vague et abstrait.
À la naissance de ma fille, j’ai ajouté une colonne pour son âge. Tout d’un coup, cet objectif qui me semblait impossiblement lointain… arrivera quand ma fille aura 7 ans. 7 ans, c’est encore un petit enfant. Ça n’est pas si lointain. Et c’est concret : je peux visualiser à quoi ressemble une petite fille de 7 ans (bien mieux que je ne peux imaginer ce que c’est que “d’avoir 35 ans”).
Quand vous avez un enfant, vous vous engagez sur une aventure qui durera au moins 20 ans. En comparaison, les 5 à 10 ans nécessaires pour monter un beau business ne semblent plus aussi effrayants.
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