Échapper aux algorithmes
C’est l’histoire d’un jeune homme drôle et souriant, qui décide de se lancer sur YouTube. Ses premières vidéos parlent de cuisine végane, de découvertes culinaires, et de dégustations entre amis….
C’est l’histoire d’un jeune homme drôle et souriant, qui décide de se lancer sur YouTube.
Ses premières vidéos parlent de cuisine végane, de découvertes culinaires, et de dégustations entre amis.
Personne ne pouvait imaginer ce qui allait suivre.
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Le YouTubeur perce.
Ses vidéos décollent dans l’algorithme, et en étudiant ses stats, il remarque une chose :
Les vidéos qui font le plus de vues sont les plus extrêmes.
Celles où les assiettes sont les plus grosses.
Le jeune homme, soucieux de progresser, multiplie les étalages de nourriture de plus en plus malsaine.
Un jour, il réalise que les vidéos dans lesquelles il pleure font encore plus de vues que les autres.
Alors, il se met à pleurer. De plus en plus souvent.
6 ans plus tard, voici à quoi ressemblent ses vidéos :
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Le jeune homme souriant s’est transformé en gargantua au visage torturé.
Le petit plat de pâte s’est transformé en bassine géante.
Même la couleur de la nourriture a changé : s’apercevant que les couleurs vives obtenaient plus de clics, le YouTubeur s’est mis à ajouter du colorant dans tous ses plats pour maximiser ses performances.
Aux Yeux de YouTube, le jeune homme est un créateur modèle : il a su maintenir et accroitre son audience pendant plus de 5 années, rester pertinent, et rapporter de gros revenus publicitaires.
D’un point de vue humain, on peut se demander à quel point un algorithme est capable de ruiner la vie d’une personne.
Les algorithmes, une bonne idée qui tourne mal
Tout ça est parti d’une bonne intention : aider les créateurs à se faire connaitre, et l’audience à les découvrir.
Des milliers de créateurs talentueux en ont profité pour percer, bâtir une audience, et vivre de leur passion.
Le problème, c’est que les algorithmes ont changé.
Au début, ils permettaient de découvrir de nouveaux créateurs. On pouvait ensuite s’y abonner, et voir tout ce qu’ils postaient.
Aujourd’hui, les algorithmes contrôlent toute l’expérience.
Ils choisissent chaque contenu que tu regardes, décident à ta place si un créateur n’est plus pertinent, sans que tu aies ton mot à dire.
TikTok a poussé ce phénomène à l’extrême : l’utilisateur ne choisit même plus de cliquer sur les vidéos qu’il veut voir.
L’algorithme sait mieux que lui.
Résultat : les créateurs sont poussés à faire toujours plus de vues, toujours plus de clics, toujours plus de rétention.
On se retrouve avec des créateurs mutants, transformés en bêtes de foire, qui font des têtes d’ahuris sur leur miniature, et postent du contenu toujours plus obscène.
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De l’autre côté, les spectateurs, vus comme du bétail dont les plateformes doivent sucer chaque seconde de leur précieuse attention pour satisfaire les annonceurs, ne sont pas mieux lotis.
Ils sont pris dans une spirale de contenu toujours plus stimulant, toujours plus dérangeant, toujours plus excitant, qui les force à rester assis sur la cuvette des toilettes, à scroller sur TikTok pendant des heures.
Leur capacité d’attention fond comme neige au soleil.
Ils ne sont plus capables de lire, ni même de regarder un film jusqu’au bout sans sortir leur portable. Ils vivent avec un brouillard mental contant, n’arrivent plus à réfléchir, souffrent d’anxiété et de troubles mentaux.
La mort du contenu chronologique
Les algorithmes sont devenus des bêtes voraces, sans cerveau ni conscience, qui aliènent la société, détruisent les créateurs, et rendent les gens malheureux.
Mais quand on y pense, ça n’a pas toujours été comme ça.
Avant d’être une plateforme qui fait de son beurre sur l’outrance, le harcèlement et l’indignation, twitter était l’endroit parfait pour suivre les pensées des auteurs, créateurs et journalistes au jour le jour, comme sur un mini-blog.
Jusqu’au jour où Twitter a remplacé son fil chronologique par un fil de recommandations.
Facebook, Instagram, YouTube… toutes ces plateformes ont tué leur fil chronologique (toujours contre l’avis de leurs utilisateurs), lorsqu’elles se sont aperçues qu’elles faisaient plus d’argent en mettant en avant les contenus viraux, plutôt que les contenus récents.
En faisant ça, elles ont aussi tué la profondeur des relations que les créateurs pouvaient tisser avec leur audience.
Avant, on suivait un créateur pour le meilleur et pour le pire : on pouvait consommer tout ce qu’il faisait, découvrir la richesse de son univers, se connecter réellement à lui.
Maintenant, les plateformes nous bombardent de contenu toujours plus performant.
Tu n’as pas regardé la dernière vidéo de ton créateur préféré ? C’est terminé : TikTok ne te montrera plus rien de lui.
Les créateurs sont sur la sellette constamment, menacés d’êtres remplacés par le nouveau créateur à la mode, la nouvelle tendance, et peut-être bientôt par une intelligence artificielle.
Ils n’ont plus le temps de se chercher, d’explorer leur thématique : ils doivent faire ce qui marche maintenant, ou mourir.
Un nouvel espoir
Ces derniers temps, j’ai été dégouté des plateformes, en tant que créateur ET en tant que consommateur.
Alors je me suis plongé dans les formats que je préfère : Les podcasts et les newsletters.
Ces deux formats ont échappé aux algorithmes, et font partie des seuls qui fonctionnent encore sur un modèle chronologique.
C’est plus difficile de se faire connaitre dessus, et ton email ne deviendra jamais viral.
Mais c’est tellement plus agréable d’écrire en sachant que tu ne seras pas trié par un algorithme.
En tant que lecteur, j’apprécie de pouvoir suivre un créateur tous les jours, même s’il n’est pas toujours au top de sa forme, et voir l’évolution de sa pensée.
Et je ne suis pas le seul : de nombreux créateurs, fatigués de la course aux vues, lancent leur newsletter ou leur podcast.
Ces formats nous font du bien.
Il n’y a pas de chiffre à vérifier. Pas de commentaires à modérer. Pas de classement. Pas d’algorithme.
Reprend le contrôle
Depuis quelques semaines, j’ai entrepris de reprendre le contrôle sur ma consommation de contenu.
Quand je vais sur YouTube, je vais dans l’onglet “Abonnements”, pour ne voir que les vidéos des créateurs que je suis, par ordre chronologique.
J’ai arrêté tous les réseaux sociaux qui fonctionnent avec un feed.
Je ne vais plus sur Instagram ni sur TikTok ou LinkedIn.
J’ai supprimé définitivement mon compte Twitter.
Je lis mes dernières newsletters et articles de blog dans un fil chronologique, en utilisant une app qui porte bien son nom, puisqu’elle s’appelle Matter (“importance”, en français).
En me baladant, j’écoute des podcasts que j’aime bien.
Je découvre de nouveaux créateurs sans les algorithmes, mais par un moyen plus ancien et tout aussi efficace : le bouche-à-oreilles.
Tu n’imagines pas à quel point ça fait du bien.
En tant que créateur, j’ai repris mon format préféré : l’email quotidien.
Je continue à poster sur YouTube, parce que c’est la moins pire des plateformes à algorithme.
Ma monteuse s’occupe de découper des extraits et de les mettre sur Instagram.
L’essentiel de mes inscrits proviennent de mes publicités payantes, qui tournent en continu.
Je n’ai plus le nez figé sur mes stats. Je peux me concentrer sur le contenu.
Les algorithmes sont un outil puissant pour se faire connaitre.
Apprends à les mettre à ton service et tu pourras construire une audience rapidement.
Mais n’en deviens pas esclave.
Ne fais pas dépendre ton business du nombre de vues de ta prochaine vidéo.
Ne laisse pas les algorithmes choisir 100 % du contenu que tu regardes.
Garde un pied en dehors de tout ça.
Garde le contrôle sur ce que tu publies et ce que tu consommes.
Et tu feras une longue carrière.